Actualité > Que devient LézArts Humanitaire 2008

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Cette année aurait dû se tenir, à Tagayet, l’Assemblée Générale des Peuls wadaabé.

Nous avons mobilisé en France toute une équipe médicale pour apporter des soins aux quelques 7000 à 10 000 personnes attendues lors de la manifestation. Un médecin, Philippe, une infirmière, Julie, ainsi que Aurore, kinésithérapeute, deux personnes pour filmer et assurer la sonorisation de la manifestation, Andréas et Alex, ainsi que deux autres personnes polyvalentes, Mijanou et Edouard.

Plus de 70 kg de médicaments et de matériel médical dans les bagages ainsi que l’achat de 263 000 cfa de médicaments spécifiques à Ouagadougou sont venus compléter notre “panoplie”.

Huit jours avant de partir, nous apprenons que l’Assemblée Générale est annulée.
La raison invoquée est le problème d’insécurité lié à la rébellion Touareg au Nord d’Agadez (300km au nord). Logiquement on ne risque rien mais ?

La décision est prise, nous y allons.

J’ai profité du temps qui m’était laissé pour rencontrer la présidente de la coopérative féminine et faire le point sur les activités que nous avions mises en place précédemment. En raison de l’absence d’une grande partie des femmes, encore avec les animaux en brousse, nous avons décidé de nous revoir après la construction de l’école de Dilafata.

La Banque céréalière, autre activité mise en place il y a deux ans, constituée à partir de prêts effectués par des personnes solidaires, et qui avait connu des problèmes l’année passée (vol et crédits non honorés) a mérité toute mon attention. Des mesures avaient été prises :pas de crédit et réinvestissement de l’argent dans l’achat de mil ou riz etc… dès que la somme en caisse atteint 100 000cfa. De 90 sacs, nous étions passés à 58 sacs. Quelle n’a pas été ma surprise d’apprendre que quasiment la totalité des sacs avaient été vendus à crédit sans l’accord des membres du bureau. Le président de Aourindé, Sanda, a autorisé la vente à crédit en donnant une date de remboursement correspondant à la fin du ramadan. Devant des symptômes d’irritation très perceptibles de ma part, Sanda m’a rassuré en m’affirmant que tout serait régularisé après la fête. Rendez-vous a donc été pris à mon retour de Dilafata.
1000 briques sont commandées, 500 sont destinées à la construction d’une maison, le reste ira aux villageois désireux de construire des douches.

Le village qui ne comptait aucune maison en dur, l’année passée, a vu son paysage changer. En effet, ce sont 9 maisons qui sont construites à ce jour et bientôt une dixième.

La Coupe LéZarts Humanitaire

Dans nos bagages, suite à la demande d’un surveillant d’école à Abalak, nous avons apporté un équipement complet pour une équipe de foot :un jeu de maillots d’entraînement, 20 paires de chaussures, 2 ballons et une coupe qui sera disputée lors d’un tournoi que le club organisera courant novembre. Ce tournoi a été organisé avec des équipes de jeunes des quartiers et doté de prix allant de 15 000cfa pour le gagnant, 10 000cfa pour le second et 5000cfa pour le troisième.

La remise des maillots s’est faite en présence de Monsieur le Préfet, le Secrétaire Général de la Préfecture, le Maire d’Abalak et différents représentants de clubs. Un mouton grillé et 4 caisses de sucreries ont fait les frais de la soirée.

Le protocole d’accord

Deux ébauches de protocoles d’accord avaient été rédigées précédemment sans être finalisées. Devant le peu d’implication d’Aourindé sur la construction de l’école de Tagayet, j’ai souhaité me mettre en phase avec les recommandations des directives du Programme Spéciale du Président de la République (PSP) pour établir le protocole définitif, sur les conseils du responsable départemental du développement et de l’action sociale.

Le principe du protocole est simple : la participation villageoise assure la fourniture des matériaux indigènes (sable, eau, graviers, cailloux, bouses, paille, fabrication de briques en argile) et le transport de toutes ces marchandises sur le chantier.
De notre côté, nous prenons en charge la main d’œuvre qualifiée ainsi que leur manœuvre, l’intendance (cuisinier, interprètes, chauffeur).

J’ai précisé, aussi, que le protocole n’était pas forcément figé et que, en fonction des contraintes, il pourrait être adapté.

L’acceptation du protocole par Aourindé a été la partie la plus pénible de mon passage à Tagayet. Des discussions interminables de marchands de tapis nous ont fait perdre près d’une dizaine de jours et aussi, souvent, notre sang froid. Il aura fallu un ultimatum et l’intervention du Préfet pour que le protocole soit accepté dans sa globalité le dernier jour.

Evidemment, ce protocole était moins favorable que celui de Tagayet. Nous prenions, dans le chantier précédent, tout à notre charge sauf que notre seule exigence était la fourniture d’eau pour la boisson, la cuisine, la toilette (250 l/jour pour 20 personnes, nous fournissons les bidons). Je me souviens avoir menacé plusieurs fois de quitter le travail parce que cette condition n’était pas respectée..
Dans ma conception de l’humanitaire il y a la notion de partage. Il ne s’agit pas de monter des dossiers et, lorsqu’une ONG s’intéresse au projet, considérer que le travail est terminé :ce n’est que le début. Derrière le projet, il y a des personnes qui le montent, le réalisent et souhaitent la plus grande implication possible des demandeurs.

L’école de Dilafata

Le 16 octobre, nous nous rendons à Tahoua passer la commande de matériaux et le transfert du matériel de Tagayet à Dilafata, distant de 52 km, peut commencer (3 voyages seront nécessaires). Le président d’Aourindé nous remet aux mains des responsables de Dilafata qui nous assurent que 8 manœuvres seront mis à notre disposition (nous n’en demandions que 4) et que déjà les 2000 briques commandées sont faites.

L’équipe de maçons qui me suit depuis trois ans et qui “rongeait son frein” depuis 10 jours a appris, avec un grand soulagement, que le travail allait se faire.
Le service du génie rural, impliqué dans le travail, vient piqueter le terrain.

Le bâtiment sera à l’identique de celui construit l’année passée à Tagayet. Il est destiné à recevoir une salle de classe de 12m sur 6.4m qui, éventuellement, peut être cloisonnée en deux. Une partie magasin de 4m sur 6.4m nous permettra de stocker une partie de notre matériel à la fin du travail. Ce local, par la suite, sera libéré et une toute autre affectation pourra être trouvée.

Le 25 octobre le matériel est livré et les travaux peuvent commencer.
L’ambiance est redevenue bonne et tout le monde respire. Odi et Diori, les responsables, se démènent pour organiser les équipes de manœuvres. Ils sont jeunes, sans expérience du bâtiment et non rémunérés. Au bout de 4 jours de travail, je vois venir le spectre de la rupture en approvisionnement se profiler. Les bras des manœuvres sont devenus lourds, les dos douloureux et, à tout instant, l’occasion est bonne de me rappeler que le travail c’est difficile!

Le 28 octobre, je demande à Boubacar, mon second, de se rendre à Abalak chercher 3 personnes pour pallier le problème d’approvisionnement en matières premières. Ils délesteront les villageois de leur participation

Deux semaines après le début des travaux, on ne pouvait plus compter sur notre participation villageoise, sauf pour l’eau. En deux voyages pour le marché d’Abalak, le village s’est vidé de sa population adulte et de nos manœuvres.
Nous livrerons le mobilier : 10 tables, 10 bancs, un bureau, une chaise, une armoire et un cadeau pour l’instituteur, un fauteuil pour les longues soirées en brousse. Je me suis permis, devant l’abondance des cadeaux offerts aux enfants de Tagayet par l’école jumelée de Jonchery, d’en faire profiter les 28 élèves de l’école de Dilafata.

A la fin du travail, nous avons remis 5 sacs de ciment aux habitants pour leur permettre de couler des dalles dans les douches etc…
LézArts Humanitaire a acheté pour 210 000cfa de matériel scolaire et de livres pour les écoles de Tagayet, Dilafata et Inagoungour.

L’ancienne école a été réhabilitée en logement pour l’instituteur. Une dalle a été coulée et une bonne porte est venue fermer la maison.

J’avais souhaité rencontrer les parents d’élèves et les habitants, à la fin du chantier mais ça n’a pas été possible :il ne restait à Dilafata que quelques adultes. Heureusement, les enfants sont là, l’instituteur Al Moustapha aussi et l’école pourra fonctionner dans de bonnes conditions.

Le Sarki, chef hiérarchique de la lignée et responsable du village de Tatis, m’a envoyé deux émissaires pour que je me rende dans son village. Depuis deux années, il nous sollicite pour que nous construisions une salle de classe dans son village. Malheureusement, nous n’avions plus le temps de lui rendre visite.
L’année passée, j’avais eu l’occasion de me rendre dans le village où je n’avais rencontré que 3 personnes. Nous réétudierons la situation plus tard.

Les activités :

  • La coopérative des femmes

    Le retour à Tagayet se fera le 29 novembre. Il reste à régler quelques problèmes et un peu de travail.
    Deux choses restaient à voir: la réunion avec la coop des femmes, et savoir si les crédits de la banque céréalière avaient été honorés.
    La coopérative féminine est divisée en trois activités : une boutique chargée de commercialiser des denrées de base, une activité couture, artisanat; ces deux activités tournent au ralenti pour le moment.

    Par contre, l’atelier engraissement a pris un rythme de croisière: 21 femmes en font partie, chacune possède un animal à engraisser et elles sont à jour de cotisations. Le prêt de départ de deux cent mille francs à échéance annuelle a été reconduit et, autant les femmes que nous, LézArts Humanitaire, souhaitons continuer notre coopération et l’améliorer.

  • La banque céréalière

    La réunion du bureau de la banque céréalière a confirmé les craintes qui étaient miennes le mois précédent. La date d’échéance est passée depuis plus d’un mois et aucun remboursement n’a été effectué. Ceci est très dommageable pour la coop. En effet, la récolte de mil a été bonne et le prix d’un sac varie entre 8 000 ou 9 000 cfa en novembre: une aubaine pour une coop, quand on sait que l’année passée nous avions payé le sac 13 500cfa.

    Les membres présents ont bien compris que ce n’était pas une bonne gestion et ils m’ont assuré que tout serait mis en place pour que l’argent soit récupéré le plus vite possible et réinvesti. (à suivre)

Une dernière visite à l’école de Tagayet avant notre départ s’impose. Les instituteurs étaient satisfaits du nombre d’enfants inscrits cette année. On a retrouvé un effectif qui justifie la présence de deux instituteurs. A la rentrée, seule une quinzaine d’enfants s’étaient présentés; aujourd’hui ils sont 65.

Comme à l’habitude, j’ai remis les cadeaux offerts par les enfants de l’école de Jonchery (France, jumelée depuis trois ans avec Tagayet) et récupéré les cadeaux et dessins pour leurs camarades français. Les instituteurs m’ont transmis aussi la liste du matériel et de livres à acheter pour leur permettre de travailler.

Ecole de Inagoungour

Lors de mes séjours, je suis régulièrement sollicité par des porteurs de projets. Cette année, notre attention a été particulièrement attirée par un projet de construction d’école à Inagoungour, village Touareg situé à 40 km d’Abalak. Nous décidons de faire un crochet.

Deux bonnes heures de route pour faire 40 km et nous nous retrouvons dans un village que je qualifierai d’éclaté : un noyau central et des maisons disséminées sur les dunes avoisinantes à une distance pouvant aller jusqu’à 8 km, que l’on appelle ici ceinture.
Une paillote, de 5m sur 5m fraîchement construite, fait office d’école. Nous rencontrons François Nasser qui en est l’instituteur et qui nous présente son école et ses élèves.

Logiquement les enfants n’avaient pas cours ce jour là, mais en raison de notre venue, ils se sont rendus en classe pour nous accueillir. Ils étaient plus de trente alors que l’effectif est d’une bonne cinquantaine.

La classe est ouverte depuis deux mois seulement et Nasser son instituteur, est heureux de nous montrer le travail que les élèves ont accompli en si peu de temps. La démonstration est indiscutable et convaincante.

Les conditions pour construire une école sont réunies; reste à savoir si nous pourrons trouver sur place les matériaux nécessaires. En une petite matinée, le tour des différents sites est fait. Pas de problème pour le sable, les pierres, l’argile, l’eau etc… Pour le travail, tout est OK, seulement, pour ce qui est de l’eau de consommation c’est un problème. L’eau du puits est imbuvable (pour nous): sa couleur et son odeur n’incitent pas à se désaltérer.

J’attire l’attention des responsables sur le fait que nous avons des exigences et qu’un protocole d’accord sera signé avant le début des travaux. Ils se disent d’accord. Je leur ai quand même lu le protocole mais leur avis n’a pas changé.

Le village a été créé il y a une vingtaine d’années. Les Touaregs sont des Touaregs noirs, ils ont pendant des siècles été les esclaves des Touaregs blancs. Lorsque l’esclavage a été aboli, ils se sont sédentarisés sans aide ni réel moyen. Ils cultivent du mil, quelques épices et élèvent des chèvres, principalement. Pas de case santé, pas de boutique.
Nous discuterons prochainement, en interne, l’opportunité de construire une école à Inagoungour.

Les autre projets :

  • l’ONG Aourindé, avec laquelle nous travaillons depuis 5 ans, nous sollicite pour construire 7 salles de classe dans autant de villages différents.

    Extrait du courrier du 17 avril 2008 :

    “Pour notre collaboration à venir, je te propose les villages suivants : Talmazala d’abord, puis Soudou Abba, Tatis, Doubangel, Boula Djabé, Hanna Hara, et enfin Tadouboute (région de Ingal).”

  • La Coopérative d’engraissement des animaux de Tagayet animée par les femmes, mérite d’être financièrement confortée. Une partie des bénéfices réalisés peut être utilisée pour fournir la cantine en nourriture et une caisse maladie pourrait être initialisée.

Des nouvelles de Dan Marké :

Cette année nos n’avons pas eu le temps de passer à Dan Marké mais grâce à une couverture de plus en plus grande du territoire par le téléphone portable, nous avons eu les informations que nous souhaitions sur les activités mises en place au village. Tout va bien, mais nous sommes toujours sollicités pour construire un forage.

*1 euros = 656 f cfa = 6,56 F français 1000f cfa =10f français.